Chez les apprentis de la cinquième façade

CENT CINQUANTE POSTES DE TRAVAIL, TROIS ATELIERS DE COUVERTURE ET 1500 M2 DE PLATEAUX TECHNIQUES SONT CONSACRÉS À LA FORMATION DES APPRENTIS COUVREURS AU BTP CFA MAINE-ET-LOIRE. QUI, À LA FIN DE LEUR CURSUS, DÉCROCHERONT UN DIPLÔME RENOMMÉ.

E t le major est… Mathieu Wathier, 22 ans, mention très bien, qui travaille au sein de l’entreprise Delaunay à Rochecorbon (Indre-et-Loire). Il veut « continuer à travailler chez eux, peut-être ouvrir une entreprise plus tard »… Le 30 juin, au musée de l’Ardoise de Trélazé, à la sortie d’Angers, avait lieu la cérémonie de remise des diplômes de la session 2023. Les lauréats ont reçu leur certificat à l’issue d’un parcours de formation de cinq ans: CAP, mention complémentaire, brevet professionnel. Ils ont tous été formés dans les trois ateliers et les 1 500 m2 de plateaux techniques du BTP CFA (centre de formation des apprentis) Maine-et-Loire, le plus grand centre de formation de France pour les couvreurs, tout en préparant le certificat de l’École supérieure de couverture (ESC), qui valide une haute maîtrise dans la technique de l’ardoise et des métaux. Des partenaires industriels (VMZinc, Cuppa, Velux, Nicoll, Prefa Alu) sont associés au conseil d’administration de l’ESC.

Cap sur le CAP

Monique Lebreton, la directrice, présente le cursus du CFA: « Les apprentis commencent par un CAP qui peut se préparer en deux ans après la classe de troisième du collège. Certains d’entre eux vont faire ce CAP en un an, car ils ont déjà un diplôme de niveau équivalent ou supérieur au CAP. Les apprentis et stagiaires

formation

Nous fonctionnons sur le principe de l’alternance, en général une semaine sur trois au CFA, le reste en entreprise.

ont un niveau CAP couverture, plus mention complémentaire zinguerie, avant de rentrer en brevet professionnel couverture. Les apprentis et stagiaires en brevet professionnel couverture chez nous sont candidats à l’obtention du certificat de fin de stage. L’obtention de ce certificat est soumise à certaines conditions. » Le premier niveau de formation pour devenir un couvreur qualifié, le CAP, permet, sous la responsabilité d’un chef d’équipe, de réaliser les travaux standards de couverture : • Mise en place d’un échafaudage avec ses protections. • Traçage-red r e s s a g e d ’ u n e toiture e t

prépa – ration de la pose des éléments (voliges, etc.). • Couverture en ardoise, tuile, zinc et autres matériaux. • Évacuation des eaux pluviales (zinc, aluminium…). • Isolation thermique. • Réparations et entretien sur toiture. Ensuite, la plupart d’entre eux passent par la mention complémentaire de zinguerie, en un an. Enfin, ils terminent par un brevet professionnel (BP) de couvreur, qui se prépare en deux ans.

Le plein de compétences

Monique Lebreton : «Nous fonctionnons sur le principe de l’alternance, en général une semaine sur trois au CFA, le reste en entreprise. » Le volume d’heures annuel s’élève à quatre cent cinquantecinq, soit neuf cent dix heures en deux ans pour un BP. Sur une semaine de trente-cinq heures, les apprentis effectuent de dix à douze heures d’atelier, cinq heures de technologie du métier (théorie), quatre heures de dessin technique, et suivent des formations sur le SST (sauvetage, secouriste du travail) et le travail en hauteur, sans oublier l’enseignement général (maths, sciences, français, histoiregéographie, anglais). À l’issue de la formation en ardoises par exemple, le stagiaire sera capable de tracer, de calculer et de réaliser un plan carré, de réaliser les différentes rives et de poser une ventilation. Des supports spécifiques au joint debout, aux tourelles, dômes, absides et façades sont également à disposition pour les stages de perfectionnement. Par exemple, une formation complémentaire Patrimoine permet d’améliorer son savoir-faire relatif au plomb et de pratiquer la soudure autogène en recouvrement ou bord à bord, de savoir réaliser divers emboutissages (entablement, chéneau)… Une autre permet de déterminer un modèle d’ardoise adapté et de calculer le pureau, de tracer et ligner, de calculer l’apothème de l’embase métallique et le nombre d’ardoises posées. Une autre encore de façonner et d’assembler par soudure un épi en zinc quatre faces, de réaliser un entablement à ourlet cintré en zinc, de façonner une boule en cuivre…

Certificat reconnu

En parallèle, les élèves briguent le certificat de l’ESC. Pour ce faire, ils préparent des maquettes spécifiques et personnelles, qui leur permettent de travailler l’ardoise et le métal. Le certificat s’obtient au terme d’un contrôle continu avec des exercices de contrôle proposés périodiquement par les enseignants, et la réalisation de deux maquettes finales en zinc et ardoise évaluées par un jury de professionnels de la couverture. «Nous, dans l’Ouest, avons envie de passer par l’ESC afin de travailler ces matériaux. Les jeunes viennent à cette école pour devenir Meilleur Apprenti de France [MAF], explique Dominique Pelletier, Meilleur Ouvrier de France (MOF), présent lors de la cérémonie et président de la classe couverture-ornemaniste métallique (voir son portrait dans un prochain numéro de Toiture Magazine). Je suis passé par là et on a déjà vu des MOF qui étaient d’abord MAF. En Anjou, les couvreurs ne se limitent pas à l’ardoise. Dans la formation initiale, il y a également le travail sur les tuiles, les fenêtres de toit, les accidents de toiture… Même si pour l’instant, à Angers ou à Saumur, on n’autorise pas la tuile sauf pour des maisons construites juste après la guerre, quand les matériaux manquaient, avec des tuiles venant d’Angleterre…»

Réseau

Ce certificat permet-il de se démarquer par un certain niveau de savoir-faire par rapport à une formation classique de couvreur ? Selon Monique Lebreton, « le certificat qui leur a été remis peut être considéré comme de niveau excellence. Pour les chantiers que les jeunes vont faire, tout dépend de l’entreprise qui les accueille ; mais nous comptons parmi nos clients des structures qui font de la restauration de monuments historiques, telles que Loire Ornement et Couverture de Loire au Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), Alain Coutant à M a u l é o n (Deux-Sèvres, entreprise du président de l’ESC, Mathias Coutant), Le Bras (Paris et Saintes, Charente-Maritime), UTB (Paris et Blois, Loir-et-Cher), Herriau (Cornillé, Ille-etVilaine), Cruard Couverture (Simplé, Mayenne), Lesurtel (Chazé-sur-Argos, Maine-et-Loire) ou encore Le Ny à Lyon (Rhône). Régulièrement, ces entreprises nous envoient des apprentis en BP couverture + certificat ESC. Cela dépend surtout de la volonté du jeune de venir à Angers. » Et d’apprendre un métier séculaire pour lequel, rappelons-le, la demande en main-d’œuvre compétente n’a jamais été aussi forte !

Plus que la tuile plate me plaît l’ardoise fine

Depuis 2014 et la fermeture de Trélazé, il n’y a plus d’extraction industrielle d’«or bleu» en France, même si subsistent quelques petites productions régionales en Corrèze ou dans les Pyrénées. Depuis des siècles, le gisement était exploité jusqu’à 500 mètres de profondeur; mais la qualité n’est plus suffisante, et l’ardoise est désormais importée des carrières d’Espagne. Jean-Christophe Boisteault (surnommé Rossignol), fendeur pendant vingt-huit ans, maître fendeur et animateur au musée de l’Ardoise, transforme pour les visiteurs le schiste ardoisier de Trélazé à l’ancienne. Les fendeurs angevins travaillaient à partir d’une pierre appelée «brochet» – un rocher allongé de 2 mètres de longueur et de 3 à 5 tonnes, encore plus lourd que du granit breton – pour obtenir 17 modèles d’ardoises d’une épaisseur de 2,7-3 mm. La première opération consistait à tester au bruit si la pierre n’avait pas été contrefendue et à la «lire». Car parfois, des minéraux traversent la roche; il convient donc de remplir un seau d’eau et de l’arroser. Le schiste étant imperméable, s’il s’humidife, c’est que la pierre est contrefendue. Il faut ensuite chercher le fil de cette pierre afin de déterminer comment la couper. Le fendeur débite alors le brochet avec un fendant – une masse de cinq kilos – pour faire un «bouc» – c’est-à-dire obtenir la rupture la plus droite possible, perpendiculairement à la tranche de la pierre (plan de fissilité). «Une biquette est la même chose… mais ratée [rupture en virage].» Les alentours de Trélazé ressemblent d’ailleurs au nord de la France, avec des terrils de déchets – environ 80% de ce qui était extrait! Sur la presse à fendre, l’ardoisier pouvait obtenir de 800 à 1200 ardoises par jour, quantité qui influait sur son salaire et qui correspondait en moyenne à 20 m2 sur toiture. Après avoir été fendues, les ardoises étaient rondies pour obtenir leur forme définitive en rectangle: «On dit rondir, car il s’agit du geste en cercle sur la machine.» En plus d’animer, Jean-Christophe Boisteault est devenu sculpteur sur ardoise sous le pseudo de Ross. On peut découvrir ses créations sur Internet, notamment sur sa page Facebook.

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