Les couvreurs parisiens bientôt à l’Unesco ?

© Gilles Mermet

Couvreurs et ornemanistes se sont associés pour présenter la candidature de leur savoir-faire complémentaires

 

LA CANDIDATURE AU PATRIMOINE DE L’UNESCO DES TOITS PARISIENS ET DES SAVOIRFAIRE QU’ILS REPRÉSENTENT VOIT SA RÉCEPTION APPROCHER. POUR LA SOUTENIR, UNE EXPOSITION S’EST TENUE À LA MAIRIE DU IXe ARRONDISSEMENT DE PARIS

Il faut changer les regards sur le métier de couvreur. » Le message d’Olivier Boileau Descamps est clair : secrétaire général du Comité de soutien pour l’inscription des toits de Paris au patrimoine mondial de l’Unesco, il était également commissaire de l’exposition dédiée, organisée du 6 au 23 février dans les vastes salles de la mairie du IXe arrondissement de la capitale. Une exposition qui a mis en avant, à grand renfort de photos, de maquettes et d’outils, les savoir-faire des couvreurs-zingueurs et des ornemanistes parisiens, qui devraient être prochainement inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Travail de longue haleine initié en 2014 par la maire du IXe arrondissement, Delphine Bürkli, avec le soutien du Conseil de Paris et de nombreux industriels via le Syndicat des entreprises de génie climatique et de couverture plomberie (GCCP), la candidature a connu plusieurs rebondissements, entre cadre normatif et décisions politiques : « Initialement, la candidature des toits parisiens concernait le patrimoine mondial de l’Unesco, résume Olivier BoileauDescamps, mais des problèmes de critères nous ont poussés à revoir notre copie et à nous tourner vers le patrimoine immatériel. » Loin d’être une simple candidature de secours, le patrimoine immatériel implique un périmètre différent, d’où l’inclusion – logique – des savoir-faire des couvreurs et des ornemanistes. La situation s’est peu à peu décantée : en juin 2017, les « savoir-faire du couvreur-zingueur parisien » ont été inclus dans l’inventaire national du Patrimoine culturel immatériel par le ministère de la Culture, et un avis favorable de ce même ministère pour une candidature au patrimoine immatériel de l’Unesco a été rendu en octobre 2018. De lourdes contraintes administratives (et lexicales !) mais, au final, l’espoir d’une reconnaissance internationale.

 

Contribuer à la transmission du métier

Comme pour toute profession manuelle et séculaire, la transmission du savoir-faire est primordiale. C’était d’ailleurs l’un des objectifs de cette exposition thématique, reconnaît son commissaire : « Redonner du lustre à des professions méconnues. » Destinée au grand public, elle avait pour but de revaloriser les métiers de couvreur et d’ornemaniste, afin de susciter des vocations ou d’attirer les plus jeunes. « Les métiers manuels sont aujourd’hui dévalorisés par le système scolaire ou la pression parentale, insiste Olivier Boileau Descamps, mais il ne faut pas croire que l’on peut choisir cette profession par défaut, car elle est très exigeante ! L’exposition n’a pas été montée pour la ‘‘gloriole’’ des professionnels, mais bien pour rendre hommage à leur savoir-faire et parer au manque criant de renouveau générationnel chez les couvreurs. » De nombreuses classes de collège ont été invitées pour découvrir le métier, rencontrer des professionnels et même poser quelques ardoises dans le cadre d’ateliers. « Au-delà des jeunes, l’exposition pouvait même sensibiliser des personnes qui se cherchent professionnellement. » En somme, donner envie aux visiteurs d’exercer sur les toits de Paris. Outre les photographies de Gilles Mermet (dont certaines illustrent cet article), magnifiant la profession et les somptueux décors des couvertures parisiennes, l’exposition a mis en avant l’outillage traditionnel du couvreur : marteau et enclume d’ardoisier, batte en bois, cisaille pélican, fer à souder, griffe à zinc… Des réalisations étaient également présentées, comme quelques mitrons, un oeil-deboeuf en zinc ou un chef-d’oeuvre signé Stéphane Colinet, lauréat du concours « Un des meilleurs ouvriers de France » en 2019, regroupant en une même maquette l’ensemble des techniques et des matériaux que l’on retrouve sur les toits parisiens. Une précédente exposition s’était tenue en juin 2017 à… Hong Kong ! Pendant trois mois, les toits de Paris s’étaient dévoilés à travers l’art et le cinéma,une manière de démontrer l’universalité de la Candidature, et notamment l’influence haussmannienne dans le monde (Chicago, New York, Buenos Aires, Bucarest…).

 

Valoriser une spécificité parisienne

Particulièrement bien décrits par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris, les toits parisiens – médiévaux et pointus, très caractéristiques – ont changé de nature suite aux travaux du baron Haussmann entre 1852 et 1870. Tout en conservant une identité propre : si le gris du zinc et des ardoises domine désormais, le cuivre et le plomb recouvrent toujours certains monuments, tandis que la tuile n’est pas absente. « Voilà en quoi le couvreur parisien se dis tingue de ses confrères, souligne le commissaire de l’exposition. Il doit maîtriser à la perfection toutes les techniques des différents matériaux de couverture, car l’on trouve de tout sur les toits parisiens, à l’inverse des spécificités régionales, nettement plus marquées. » Argument supplémentaire de la pertinence de la candidature : Paris n’a jamais postulé au patrimoine immatériel de l’Unesco. « Faire reconnaître à l’échelle internationale un savoir-faire est la plus belle candidature possible », se félicite-t-il. Si, avec l’avis favorable du ministère de la Culture, la candidature est certaine d’aboutir, la date de l’inscription proprement dite reste incertaine. Le Comité de soutien espère évidemment qu’elle sera officialisée dès 2019, mais d’autres concurrents pourraient tirer leur épingle du jeu : la yole ronde de Martinique ou les Fêtes de l’ours en Vallespir (Pyrénées- Orientales). Car un seul dossier peut être soumis par la France tous les deux ans. Et si l’aval du ministère est la garantie d’une reconnaissance future quoi qu’il arrive, sa date peut varier. « Il ne faut pas se leurrer, conclut Olivier Boileau Descamps avec une pointe de regret, malgré notre lobbying, le choix du candidat proposé par la France à l’Unesco sera politique et fonction de la conjoncture du moment. Mais nous sommes dans tous les cas heureux de l’aboutissement, même s’il faut encore attendre deux ans pour voir cette inscription officialisée ! »

 

Brice-Alexandre Roboam

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