Sébastien Girardeau Apprenti «boisdebout», «singe » et MOF

C’est après un long apprentissage que Sébastien Girardeau devient artisan charpentier. À l’âge de 15 ans, il s’engage avec les Compagnons du Devoir, jusqu’à effectuer un Tour de France entre 1990 et 1999. Cette formation prestigieuse l’a mené sur des chantiers de Périgueux à Strasbourg, en passant par Reims et les Hautes-Alpes. Il continue ensuite à se former dans plusieurs pays auprès d’artisans charpentiers renommés. Un parcours hors du commun qui lui permet d’acquérir un grand savoir-faire et de comprendre les secrets des ouvrages de charpente bois les plus complexes. La Guyane, Sébastien Girardeau la découvre en 1999. Il est alors embauché par celui qui deviendra, en 2004, le premier charpentier de Guyane Meilleur Ouvrier de France, François Auger (voir Toiture Magazine n° 28), reconverti depuis architecte. Puis, à partir de 2004, un passage d’un peu plus de dix ans dans l’entreprise CBCI lui permet de devenir chef d’atelier, puis conducteur de travaux en charpente. Il participe notamment à la construction de la Maison des Forêts des Bois de Guyane, ainsi qu’à celle de l’amphithéâtre de l’IUFM de Cayenne.

En 2018, la passion du bois et de la charpente artisanale le conduit à créer sa propre entreprise, Structures Esprit Bois. Au même moment, il décroche à son tour la prestigieuse médaille de Meilleur Ouvrier de France. Patience et pragmatisme, voilà deux qualités dont il a dû faire preuve pour gagner le concours. Après mille six cents heures de travail et la réalisation d’un dossier technique et d’exécution ainsi que d’une maquette à l’échelle 1/6 (hauteur 2,25 m) sur un sujet imposé, Sébastien Girardeau a remporté la finale de la compétition. Il devient ainsi le deuxième charpentier de Guyane à obtenir cette récompense.

Depuis quand êtes-vous MOF?

Je me suis inscrit pour la session du concours 2016-2018 afin d’obtenir le titre en mai 2019.

Comment s’est passé votre concours? Que deviez-vous réaliser ?

Le concours se déroule en deux étapes. La première, qualificative, permet d’accéder à l’épreuve finale. C’est un dossier dans lequel on met en avant nos compétences à travers différents chantiers, notre statut au moment de la réalisation (ouvrier qualifié, conducteur de travaux…). Le sujet final consistait à réaliser sur son temps libre une tour d’observation (à usage privé) suivant un cahier des charges bien précis pour que tous les candidats aient le même gabarit. Les positionnements des poteaux sur la base hexagonale ainsi que la forme sinusoïdale du chapeau entre autres étaient à respecter scrupuleusement; mais malgré ces différents impératifs, ce sujet permettait à chacun de s’exprimer et d’apporter sa touche personnelle à la maquette, aussi bien du point de vue technique qu’esthétique. J’ai passé environ cent cinquante heures pour l’étude: NDC (notes de calculs), plans exé (études d’exécution), plans détails, PPSPS (plan particulier de sécurité et de protection de la santé), et plus de mille quatre cents heures pour la réalisation du projet.

Pourquoi avez-vous passé ce concours? Quelles étaient vos motivations ?

J’ai suivi une formation chez les Compagnons du Devoir et c’est un peu une continuité dans l’esprit, progresser, transmettre le métier. C’est également un challenge personnel: où en suis-je ? Mais avant tout, j’exerce mon métier en Guyane depuis plus de vingt ans, et je voulais montrer qu’il y a des compétences dans ce département éloigné de la métropole.

Comment vous êtes-vous dirigé vers cette activité? Votre famille est-elle dans ce secteur?

Aucun membre de ma famille n’est charpentier. Enfant, avec mon argent de poche, j’achetais des maquettes. Il fallait lire les plans, assembler les éléments… En troisième, au collège, j’ai eu la chance de faire un stage dans une entreprise de charpente dont le «singe» était compagnon, et je suis parti faire mon apprentissage dans le Périgord. Le «singe», c’est le patron dans le jargon des compagnons, car on dit qu’il fait la grimace au moment de la paie ! C’est comme charpentier, on dit aussi «boisdebout». Les initiés comprennent ce langage…

MOF vous confère une étiquette de luxe… À cause ou grâce à cela, perdezvous ou gagnez-vous des clients ?

C’est difficile à dire, je n’en parle pas, mais étant à mon compte, j’utilise une signature MOF depuis que j’ai le titre, et sur le site Internet de ma société figure mon portrait. Je pense que, pour les clients, c’est plutôt rassurant et non un frein. On s’adapte à tous les projets…

Faudrait-il qu’il y ait plus ou moins de MOF? Peut-on parler de dévalorisation, de banalisation avec la multiplication des MOF?

J’ai appris que depuis la première Exposition du travail en 1924, il y a eu une première remise officielle du titre MOF en 1925, et que je suis le 112e lauréat en charpente. Cela fait peu. Pour l’avoir vécu – j’avais tenté une première fois en 2011 et échoué –, le concours demande beaucoup de sacrifices. Si vous êtes en couple, c’est toute la famille qui est impliquée. Mais j’encourage les jeunes et les plus anciens qui le souhaitent à franchir le cap, car cela reste avant tout une aventure humaine incroyable.

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