Un projet de titan pour Terreal

EN COURS DE RACHAT PAR SON CONCURRENT AUTRICHIEN WIENERBERGER, TERREAL VIENT NÉANMOINS D’INAUGURER LA PREMIÈRE PHASE DE SON PROJET TITAN SUR LE SITE DE ROUMAZIÈRES, VISANT À MODERNISER SON OUTIL INDUSTRIEL ET À ACCÉLÉRER SA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE.

Le timing pourrait surprendre. Alors qu’une offre de rachat est sur la table depuis décembre dernier de la part de son concurrent Wienerberger, le Français Terreal poursuit sans dévier sa feuille de route annoncée dès 2020 en inaugurant la première phase du projet Titan : un vaste programme visant à la fois à moderniser ses outils de production et à réduire ses émissions de carbone.

Robotisation

Terreal s’est donc lancé pendant la crise du Covid dans une opération de modernisation baptisée Titan Ouest: «Une robotisation pour transformer un four à cuisson rapide datant des années 90 afin de réduire les émissions de CO2 et de dépénibiliser les postes. Les opérateurs ont été formés à distance pendant la pandémie », se souvient Olivier Butel, directeur des opérations chez Terreal. Premier bénéficiaire de ces évolutions: le site historique du fabricant à Roumazières, en Charente, qui s’étend sur 40 hectares et regroupe environ 340 collaborateurs. L’entreprise vendéenne Tecauma, basée aux Essarts, a ainsi fourni une ligne d’encastage et une ligne de décastage avec une palettisation. Soit au total 23 robots. Cette phase de modernisation a consisté à transférer la gamme de tuiles Zen vers une ligne plus performante. La nouvelle ligne UT8 peut désormais fabriquer d’autres produits de la marque tels que l’Horizon 12 et la Latitude 12. Cette installation, menée en partenariat avec une dizaine de fabricants d’équipements, a permis de diviser par trois la consommation énergétique pour la production de cette gamme. Un enjeu majeur.

Production énergivore

« Ce projet, initié en 2020 avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine, a déjà permis de réduire la consommation du site charentais de 6,5 % et d’éviter l’émission de 2 600 tonnes de CO2 », rappelle Alain Rousset, président du Conseil régional. En données brutes, l’usine de Roumazières permet de couvrir mathématiquement 30 000 maisons de la région – soit une maison sur deux – et de faire travailler 5 000 entreprises sur la façade atlantique. Mais avec une consommation d’énergie de 255GWh/an, l’entreprise en était aussi l’un des quinze plus gros consommateurs. En vue d’améliorer de 30 % la performance énergétique du secteur industriel d’ici à 2030, la Région a développé un programme de soutien spécifique. Dans le cadre d’un contrat signé avec cette dernière, Terreal s’est ainsi engagé à réduire sa consommation énergétique de 10,5% au minimum d’ici à 2025. Le soutien financier de la Région alloué dans le cadre de ce contrat d’efficacité énergétique s’élève à environ 1,3 million d’euros, pour un budget total de 6,3 millions.

100 euros la tonne de CO2

Une stratégie expliquée par Jean-Baptiste Fayet, directeur général de Terreal : « L’énergie est tous les jours plus coûteuse et il faut payer de plus en plus cher pour émettre du CO2, avec un coût qui est passé de 5 euros/tonne à

près de 100 euros/tonne en cinq ans. Notre démarche de décarbonation va devoir s’intensifier et s’accélérer. La réglementation RE2020 introduit la notion d’empreinte carbone des produits et demande d’émettre moins de CO2 lors de la production pour que nos produits puissent être utilisés sur les constructions neuves, avec des seuils dont l’exigence va augmenter année après année. Nous allons devoir réinventer à nouveau notre matériau, la terre cuite, pour qu’il reste un matériau de construction pertinent, esthétique, durable, technique mais aussi efficace énergétiquement tout au long de son cycle de vie. Notre industrie, au niveau de la fédération FFTB, s’est fixé une feuille de route ambitieuse sur le sujet : – 30 % en 2030 et – 80 % en 2050. »

Trois points

Ces objectifs ambitieux vont pousser le groupe à continuer d’investir autour de trois points stratégiques:

• L’amélioration de la performance énergétique de ses sites à travers la modernisation des équipements existants et l’optimisation des process de production.

• La réduction de la consommation d’énergie, notamment par des investissements dans des procédés innovants.

• La substitution progressive de la consommation d’énergie fossile par des sources d’énergie « vertes » (électrification, solaire thermique, biomasse…).

Projet global

En parallèle du projet mené à Roumazières, Terreal a investi plus de 1,5 million d’euros entre 2018 et 2021 sur son autre site à Montpon-Ménestérol, en Dordogne, pour améliorer la récupération énergétique entre le four et le séchoir grâce à l’instrumentation et à l’automatisation des process. La modernisation des deux sites a entraîné une réduction de plus de 12% de la consommation des implantations de l’entreprise dans la région entre 2018 et 2022, pour un engagement initial de 10,5%. La seconde phase du projet 2021-2025 est quant à elle en cours de réalisation. Le fabricant poursuit ses investissements autour des trois autres lignes de production de Roumazières, dans le but notamment de réduire la consommation des fours, de récupérer et de valoriser la chaleur fatale (ou chaleur de récupération) qui serait perdue.

Avenir radieux ?

Selon toute vraisemblance donc, Wienerberger devrait pouvoir acquérir une entreprise sacrément modernisée… Les principaux actionnaires de Terreal que sont Goldman Sachs, Park Square Capital et Barings étant intéressés pour vendre, la réunion future des deux spécialistes de la terre cuite ne fait plus guère de doute. Une association prometteuse tant les forces géographiques des deux entités semblent complémentaires (Nord et Est pour Wienerberger, Ouest et Sud-Ouest pour Terreal). Avec l’objectif à peine dissimulé de déloger Edilians de sa place de numéro 1 sur le marché français.

Le témoignage d’Olivier Butel, directeur des opérations de Terreal

«Le point sur lequel nous sommes le plus vigilants est la sécurité. L’exigence d’ergonomie pour les opérations de production et de maintenance – avec l’utilisation de 23 robots – a permis de réaliser une implantation des équipements autorisant une meilleure visualisation de l’ensemble de la chaîne de production, et un accès sécurisé pour tout type d’intervention. Les machines automatisées traditionnelles ne permettaient pas d’évoluer vers une prise en compte aussi profonde de l’ergonomie et de l’accessibilité. «Autre point: l’allègement de la charge mentale de nos collaborateurs, en simplifiant l’exploitation des équipements, par exemple celle des écrans de pilotage des machines. Le choix des dernières technologies de contrôle commande a permis de développer, en associant les équipes d’exploitation, des interfaces homme-machine simplifiées. «Enfin, nous avons travaillé sur l’automatisation d’opérations répétitives et manuelles, par exemple le contrôle qualité final des produits, réalisé avec des caméras de vision. L’utilisation de robots permet de réduire, voire d’annuler, les opérations de réglages mécaniques pour configurer la ligne selon les différents modèles de tuiles. «En conclusion, la transformation de la ligne de production, équipée des technologies dernier cri, est une fierté pour nous toutes et tous, et notamment pour les nouvelles générations qui viennent d’intégrer Terreal. Le projet Titan a permis d’amorcer une étape majeure vers l’industrie du futur.»

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