Un grêlon dans la chaussure à Romans

Un orage de grêle et c’est toute une toiture qui est à refaire… le musée de la chaussure de Romans-Sur-Isère l’a appris à ses dépens en 2019. deux ans plus tard, l’édifice classé monument historique s’est refait une beauté et a retrouvé tout son charme de jadis.

Après le violent orage de grêle qui s’est abattu sur la Drôme le 15 juin 2019, de nombreux bâtiments et structures ont eu besoin d’une rénovation. Pour preuve, les chiffres avancés par la Fédération française de l’assurance, qui estime le coût total des dégâts à quasiment 600 millions d’euros. Dix-sept communes se sont retrouvées classées en état de catastrophe naturelle ; parmi elles, Romans-sur-Isère est peut-être celle qui a subi le plus de dommages. Selon les estimations locales, ce sont quelque 10 000 m2 de toiture, recouvrant entre autres 67 bâtiments publics, qui ont été touchés sur toute la ville, à des degrés variables. En tête de liste, les monuments historiques ont beaucoup souffert de ce phénomène météorologique aussi soudain (il n’a duré « qu’un » quart d’heure…) que torrentiel. Des grêlons de la taille d’une balle de golf (voire de tennis selon certains témoins) pardonnent rarement, le Musée de la chaussure en a fait l’amère expérience.

Un peu d’histoire

Créé dans les années 50 par Marie-Madeleine Bouvier, fondatrice d’un groupe folklorique local, le Musée de la chaussure a pris ses quartiers au début des années 70 dans l’ancien couvent de la Visitation, sauvé in extremis de la démolition, sur décision de la ville de Romans, qui doit sa réputation au travail du cuir et de la chaussure depuis le Moyen Âge. Construit par étapes du XVIIe au XIXe siècle, cet édifice majestueux à l’inspiration architecturale italienne, mais agrémenté de jardins à la française, a finalement été inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1977. Côté collections, le musée a tout d’abord proposé un petit nombre de chaussures du XIXe siècle ainsi que des reconstitutions de la vie locale. Ce n’est qu’à partir de 1968 qu’il a pris de l’ampleur, avec l’acquisition de la prestigieuse collection de chaussures du mo[1]déliste parisien Victor Guillen (environ 2 000 pièces provenant des quatre coins du monde et couvrant quatre millénaires d’histoire). Devenu Musée interna[1]tional de la chaussure en 1993, il n’a cessé de s’enrichir pour posséder désormais plus de 20 000 objets, dont 2 500 sont proposés au public ; de nouvelles expositions y sont (ou plus exactement y étaient et y seront) régulièrement organisées.

Ô rage…

Mais c’était compter sans le ciel. Conséquence de l’orage, le musée a dû fermer ses portes puis, Covid oblige, patienter encore avant les rouvrir. Les dom[1]mages causés par la grêle ont été répertoriés immédiatement afin de réaliser dans l’urgence quelques travaux de premiers secours permettant de préserver les collections. Un contrôle continu de l’hygrométrie a été mis en place, et les vitres et autres bâches ont été posées de façon à mettre hors d’eau le bâtiment. Il a également fallu assécher les parties inondées – les combles et les niveaux supérieurs –, aspirer l’eau infiltrée, et bien sûr évacuer les objets entreposés. Deux mois après la catastrophe, la mai[1]rie lançait un appel d’offres pour l’intégralité de ses monuments historiques endommagés par la grêle – remporté par l’entreprise voisine Chovin, basée à Marches (26). Le cahier des charges était simple : reconstruire à l’identique, comme l’exigent les assurances pour verser les indemnités en cas de catastrophe naturelle.

Au final, ce sont plus de 30 000 tuiles fournies par Edilians qui ont été mises en œuvre par les trois couvreurs de la société Chovin sur les 2 865 m2 de toiture du Musée international de la chaussure.

Deux modèles de tuiles ont été retenus par les architectes.

… ô désespoir!

Et, pour paraphraser Corneille, de l’orage est né le désespoir. Car après cette funeste mi-juin 2019, les difficultés se sont enchaînées… Trois semaines ont tout d’abord été nécessaires pour monter l’échafaudage, après étude au sol et installation d’une grue de 26 tonnes. Puis de nouveaux orages se sont abattus sur la ville vers la fin de l’année, sans grêle cette fois, mais accompagnés de vents violents; la neige a fait son apparition et a provoqué de nouveaux dégâts; enfin, cerise (pourrie) sur le gâteau (avarié) : la découverte d’éléments de charpente endommagés par le temps, et surtout de plaques de fibrociment revêtues d’amiante sous les anciennes tuiles…

Tuiles françaises pour Chovin

Heureusement, la situation s’est rapidement décantée. Une fois les conditions climatiques redevenues plus clémentes, chaque problème a trouvé sa solution : les anciennes tuiles ont été déposées, et les plaques amiantées retirées par une société spécialisée ; après la restauration des points de charpente posant question et la pose de nouvelles plaques ondulées, l’entreprise Chovin a pu reprendre son travail. Le chantier a été réalisé par phases, avec démontage et remontage de l’échafaudage à chaque fois, sur le bâtiment central et les deux ailes (nord et sud) qui composent l’édifice. Décision primordiale lorsqu’il s’agit de la restauration d’un monument historique, le choix des tuiles avait évidemment été arrêté en amont et validé par les architectes des Bâtiments de France. C’est le fabricant Edilians qui a emporté le morceau en plaçant deux de ses références sur les toits du musée. Pour l’anecdote, la tuile terre cuite Canal 50 Restauration Poudenx avait à l’origine été proposée par la marque pour la réfection de la couverture de l’église de la ville, mais les architectes l’ont finalement sélectionnée pour une partie des toitures de l’ancien couvent.

Un chantier, deux références

Au final, ce sont plus de 30 000 tuiles fournies par Edilians qui ont été mises en œuvre par les trois couvreurs de la société Chovin sur les 2 865 m2 de toiture du Musée international de la chaussure. Pour un total de 1 910 m2 , les tuiles Canal 50 Restauration Poudenx ont recouvert les deux ailes, dont les toitures quatre pans présentent une pente d’environ 36%. Ces tuiles à tenons ont été posées dessus/ dessous afin d’épouser la forme des nouvelles plaques ondulées venues remplacer le fibrociment amianté, et par là même renforcer l’étanchéité de l’édifice ; en coloris antique, elles se fondent parfaitement dans leur environnement. 955 m2 de tuiles terre cuite Delta 10 Ste Foy coloris rouge ont d’autre part été nécessaires pour la structure centrale. À emboîtement, posées à joints croisés, elles ont été choisies pour leur grand moule faiblement galbé à relief. Les couvreurs ont également mis en œuvre les accessoires idoines, frontons, rives, faîtières ou closoirs d’étanchéité. Esthétique retrouvée, patrimoine respecté, catastrophes (naturelles et sanitaires) presque oubliées… le Musée international de la chaussure a enfin pu rouvrir ses portes après quasiment deux années de fermeture. C’est le pied, non ?

Brice-Alexandre Roboam

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