La terre cuite dévoile son palmarès architectural

Organisé tous les deux ans par la fédération française des tuiles et briques (FFTB), le concours Architendance vient récompenser des réalisations récentes en tuiles terre cuite, avec, pour mot d’ordre, la recherche de créativité. Sa cinquième édition a livré son verdict le 12 décembre 2020. Habituellement célébré en grandes pompes dans des cadres liés à l’architecture (ensa, biennale du réseau des maisons de l’architecture…), l’évènement a, cette année et compte tenu des circonstances sanitaires, dû être dévoilé en ligne sur les réseaux sociaux. Au contraire des concours annuels –mais annulés en 2020 – des fabricants (Terroirs De Terreal, Trophées Aléonard De Wienerberger…), Architendance ne récompense ni la marque de tuiles utilisée ni le couvreur, mais bien la proposition architecturale du projet. Petite session de rattrapage avec la présentation des sept prix décernés (pour six lauréats).

Par Brice-Alexandre Roboam

PRIX DE LA MAISON INDIVIDUELLE ET GRAND PRIX DU JURY

La maison Diamant, Rennes (35)
MNM Architectes, Rennes (35)

L’effet est saisissant. La maison Diamant mérite amplement son nom, tant sa vêture d’écailles scintille de mille feux sous le soleil breton. Implanté dans le centre-ville de Rennes, dans un quartier résidentiel dense où l’ardoise est omniprésente (Bretagne oblige), ce logement individuel de 163 m2 habitables, dessiné par le cabinet local MNM Architectes, revêt une carapace de tuiles ardoisées. Uniformes, celles-ci sont néanmoins facettées, permettant cet aspect si original selon la luminosité et l’ensoleillement – bien aidé par le jeu d’ombres créé par leurs formes géométriques. Quelques tuiles translucides ont également été ajoutées aléatoirement à l’ensemble, en bardage comme en toiture, du côté nord de la maison. Outre l’apport évident de luminosité, elles appuient un peu plus la dimension « peau écaillée » très travaillée de l’habitation, contrastant avec l’apparente simplicité de son volume. Un « symbole évident de ce que l’architecte apporte à ce mode d’habitat », selon le jury, qui, en plus de lui attribuer le prix de la maison individuelle, lui a également décerné à l’unanimité son grand prix.

PRIX DU LOGEMENT COLLECTIF

Résidence Terre-Sud, Bègles (33)
Taillandiers Architectes Associés, Toulouse (31)

La commune de Bègles, située dans la périphérie sud-est de Bordeaux, en Gironde, s’est donné pour objectif depuis plusieurs années de développer son écoquartier, Terre-Sud. Après deux phases de travaux sur la dernière décennie et plus de 100 millions d’euros investis, c’est une véritable miniville dans la ville qui est sortie de terre, faisant la part belle à la verdure. Et c’est justement dans cet environnement verdoyant qu’a été implantée la résidence Terre-Sud (facile à deviner) en 2018. Divisé en trois corps de bâtiments formant un S, l’îlot de 75 logements a été imaginé par le cabinet toulousain Taillandiers Architectes Associés. Pour l’esthétique des façades, en noir et blanc, l’idée est venue d’une photo pixellisée du parc environnant : une trame pour l’habillage, alternant tuiles mates et tuiles émaillées. Le calepinage a été savamment étudié en amont afin d’obtenir une sorte de dégradé sur la hauteur des édifices, favorisant les jeux de lumière et la réflexion du soleil selon la hauteur de ses rayons au rythme de la journée. Ainsi, se retrouvent principalement dans les parties basses, de R+1 à R+3, des tuiles mates, tandis que la proportion de tuiles vernissées augmente avec la hauteur. Un autre contraste a été recherché en jouant avec les escaliers et ascenseurs reliant les trois corps: placés en externe, ces accès sont entourés de façades immaculées habillées de tuiles vernissées blanches. Une « belle qualité extérieure, portée par le jeu graphique changeant de la lumière sur la tuile », pour le jury, qui lui a donc attribué le prix du logement collectif.

PRIX DU TERTIAIRE

Pôle social et culturel Gonzague-Saint Bris, Cabourg (14)
Lemoal Lemoal Architectes, Paris (75)

Rendez-vous de la bourgeoisie européenne de la Belle Époque à l’entre-deux-guerres, la petite commune de Cabourg a notamment attiré quelques écrivains. Le plus réputé d’entre eux, Marcel Proust, aimait s’y rendre en villégiature dans le célèbre Grand Hôtel. Pourtant, c’est le nom d’un autre écrivain – beaucoup plus récent – qui a été choisi pour le nouveau pôle social et culturel de la station balnéaire du Calvados: Gonzague Saint Bris. Livré en mai 2019, le projet en bois et tuiles a été imaginé par les deux frères architectes Christophe et Jesse Lemoal, de l’agence Lemoal Lemoal Architectes, basée à Paris et Rennes. L’ensemble se compose de deux bâtiments en L quasi identiques se faisant face, implantés sur une parcelle enclavée en plein cœur de la petite ville. Si les murs en vis-à-vis offrent de larges baies vitrées, ceux tournés vers la ville présentent un habillage complet de tuiles en terre cuite, où la toiture descend en façade. Le cahier des charges imposait aux architectes un rappel à l’architecture normande : on retrouve ainsi la charpente bois, les toitures à 45 ° et, surtout, l’utilisation de tuiles fabriquées à quelques kilomètres de là, dans un coloris et une mise en œuvre qui ne sont pas sans évoquer les traditionnels bardeaux bois couvrant les toits normands. Un projet minutieux, jusque dans les moindres détails: aucune gouttière n’a été installée pour ne pas rompre l’unité visuelle toit-façade. L’évacuation des eaux pluviales se fait par bandes stériles en pied de mur. «Un travail remarquable, juste et très maîtrisé », d’après le jury, qui a récompensé le projet du prix du tertiaire.

PRIX DE L’HABITAT INTERMÉDIAIRE

Logement social locatif, Esnandes (17)
FMAU, La Rochelle (17)

Pour cette édition 2020 du concours Architendance marquée par la crise sanitaire, le jury a souhaité ajouter une catégorie à ses prix habituels : l’habitat intermédiaire. Alors que le mal-logement a été largement décrié suite au confinement, les organisateurs ont voulu récompenser un type d’habitat accessible à tous, associant les avantages de l’individuel et ceux du collectif : espace extérieur privatif, accès individualisé à son logis ou encore intimité de vie sans isolement. Et à ce nouveau « jeu », ce sont les architectes de l’agence rochelaise FMAU qui sont sortis vainqueurs, pour la réalisation d’un logement social locatif composé de sept maisons à patio à Esnandes, au nord de La Rochelle, dans la baie des Marais poitevins. Les sept habitations sont implantées en L de façon à créer un véritable hameau, tout en disposant chacune de son propre patio protégé des pluies, des vents océaniques et des regards extérieurs. Dans un souci d’optimisation totale de l’espace, les toitures ont été dessinées en pente afin d’utiliser l’espace sous rampants au maximum et d’augmenter ainsi les volumes intérieurs. Ancré dans son environnement, cet ensemble s’intègre parfaitement aux autres lotissements environnants, grâce, notamment, à la diversité des toitures en tuiles terre cuite des sept habitations et aux différences de pentes et d’orientations. Le soin apporté aux faîtages et le débord des tuiles provoquant un jeu d’ombres sur les façades ont particulièrement séduit le jury : « La tuile porte un propos généreux, de la simplicité, de la finesse et elle fabrique de l’intimité. »

Sur les 67 dossiers candidats déposés, 12 ont été retenus comme finalistes. Ces réalisations ont été soumises au vote des réseaux sociaux dans deux catégories distinctes : le prix des architectes et étudiants en école d’architecture, décerné par plus de 3 000 votants sur Facebook, et le prix du public, octroyé concours par plus de 6 400 votants sur Instagram.

PRIX DES ARCHITECTES ET ÉTUDIANTS EN ARCHITECTURE

Grange de vacances, Allan (26)
A+ samueldelmas Architectes, Paris (75)

Le plaisir pris par les architectes lors de certains projets saute souvent aux yeux. Outre les aspects et contraintes techniques et réglementaires, l’esthétique et les jeux visuels sont des domaines dans lesquels ils peuvent véritablement faire parler leur art. Rien d’étonnant dès lors à voir cette grange de vacances réalisée par l’agence A+ samueldelmas, récompensée par ses pairs architectes et étudiants en architecture, via leurs votes sur Facebook. Les jeux de lignes et de perspectives sont légion pour cette bâtisse dont l’existant a été majoritairement conservé, quoique, bien sûr, entièrement rénové. Maison de vacances particulière, contemporaine et lumineuse, elle s’intègre parfaitement à son environnement au cœur d’un hameau près d’Allan, dans la Drôme, grâce à ses murs de pierre et sa toiture en tuiles terre cuite, deux matériaux caractéristiques de la région. L’architecte a notamment simplifié la géométrie de l’ensemble en jouant sur les volumes, et surtout en dessinant des toits monopentes. Et toute la subtilité est là : selon la perspective, les deux monopentes peuvent finalement se lire comme une toiture double pente classique. Les détails ont probablement séduit les votants: des raccords en bas de pente, des génoises sans gouttière et un raccord au ciel sur le faîtage simple pente.

PRIX DU PUBLIC

Halle de marché, Courbevoie (92)
Croixmariebourdon Architectes Associés, Malakoff (92)

Quand il n’est pas connaisseur, l’œil est instinctivement attiré par le rendu visuel. Si le spécialiste cherchera les détails techniques, la prise de risque, le non-initié s’arrêtera le plus souvent à ce qu’il considère comme « beau ». Et c’est exactement ce qu’il s’est passé pour le prix du public, élu sur Instagram. Les votants ont récompensé le projet qui était probablement l’un des plus visuels des 12 finalistes: la nouvelle halle de marché de Courbevoie (92). Implantée au pied d’un complexe d’immeubles de logements de grande hauteur datant des années 70, elle se devait de ressortir dans le « paysage ». Ainsi, l’agence Croixmariebourdon Architectes Associés a opté pour une couverture à motifs en tuiles terre cuite vernissées. Le calepinage minutieusement étudié alterne tuiles blanches brillantes et tuiles gris perle mates pour former une ample trame croisée très graphique enserrant les puits de lumière. Dessiné en ellipse, le bâtiment offre un rendu très élancé, rehaussé par sa toiture à double pente. Le chéneau technique, cintré dans les deux dimensions, n’aura pas échappé aux experts.

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