Ça roule pour la toiture de Saint-Philippe!

SOUS ÉCHAFAUDAGE ET PARAPLUIE DEPUIS SEPT ANS, L’ÉGLISE PARISIENNE SAINT-PHILIPPE-DU-ROULE SORT ENFIN DE SON INTERMINABLE ATTENTE: LA PREMIÈRE DES TROIS PHASES DU VASTE CHANTIER DE RÉNOVATION DES TOITURES A DÉBUTÉ. POUR UNE COUVERTURE D’ARDOISES FLAMBANT NEUVE EN 2021. REPORTAGE.

La patience est une vertu qui s’acquiert… avec le temps, paraît-il. Un adage que les habitants et catholiques pratiquants du VIIIe arrondissement de Paris ont dû intégrer à leurs dépens durant plusieurs années, à travers leur paysage quotidien. C’est en effet depuis 2012 que la célèbre église Saint-Philippe-du-Roule, construite à la fin du XVIIIe siècle et remaniée deux fois au cours du XIXe, restait cachée aux yeux des passants par un vaste échafaudage de 24 000 m2, lui-même protégé par un parapluie. Celui-ci a d’ailleurs été acheté par la Ville de Paris lors de la mise hors d’eau de l’édifice, les édiles ne sachant alors pas quand les travaux seraient envisageables. Une longue attente finalement récompensée par le chantier entamé l’hiver dernier, et confié à la division Île-de-France de l’entreprise de couverture spécialisée en monuments historiques, Le Bras Frères, dont le siège se situe à Jarny (54). La restauration concerne l’ensemble des toitures du monument: la verrière zénithale de la chapelle axiale, la voûte à caissons de la nef, les vitraux des baies hautes, les bras du transept ainsi que les charpentes d’époque, et bien évidemment des ardoises de couverture. Huit millions d’euros ont été débloqués par la Mairie de Paris dans le cadre de son vaste Plan Église pour la sauvegarde des édifices cultuels, initié en 2015.

Accès et logistique

Les ardoises précédentes ont toutes été déposées en décembre 2018, pour être remplacées par des neuves fournies par le fabricant allemand Rathscheck. Environ 110 000 ardoises seront posées au total, pour à peu près 700 m2 de toiture par phase de chantier. La première phase – un versant de 20 mètres de longueur pour une pente moyenne de 37 degrés – est menée par Adrien Beaugendre, conducteur de travaux chez Le Bras depuis deux ans et consacré meilleur ouvrier de France en 2015. « La division Île-de-France de Le Bras a été ouverte il y a deux ans afin que la société soit plus réactive pour ce qui concerne les chantiers parisiens, rappelle le responsable. Notre effectif comprend une quinzaine de couvreurs et d’apprentis, six d’entre eux en moyenne œuvrant sur Saint-Philippe jusqu’à fin octobre pour la première phase. » Le chantier, entrepris depuis plusieurs mois, n’a pas été sans poser quelques problèmes dus à sa localisation. « L’échafaudage a été posé à l’époque sans penser aux futurs travaux, déplore Adrien Beaugendre. Un chantier dans Paris est toujours compliqué, mais dans le cas présent nous nous sommes heurtés à de véritables casse-tête concernant les accès, les approvisionnements et les livraisons… le tout dans de courts délais! »

 

 

 

Adrien Beaugendre, conducteur de travaux sur le chantier, devant l’abside en écaille

 

 

 

 

Coyaux et arêtiers

Une partie de la charpente d’origine a été restaurée tandis que des pans de bois ont été complètement remplacés. Le voligeage en sapin a également été refait à neuf afin d’ancrer au mieux les ardoises avec des clous carrés crantés en cuivre fournis par le fabricant belge Connecton. Deux modèles d’ardoises Domaine Sin 150 sont utilisés, pour une pose classique non brouillée au pureau de 11 cm en moyenne : majoritairement en 30/22 cm, et en 32/22 cm pour les coyaux présents sur chaque versant. «Nous avons travaillé en arêtiers trois biaises, précise le conducteur de travaux, sauf au niveau du coyau où nous passons en quatre biaises du fait de la différence d’inclinaison. » Entre les pentes et les coyaux, le traçage a demandé un travail minutieux en amont. « Le degré de la pente n’est pas forcément le même entre les versants et les croupes, souligne Adrien Beaugendre. Pour parer à cela, nous avons commencé par les versants, puis les croupes, pour retourner l’arêtier et éviter les différences de hauteur. »

Environ 110 000 ardoises seront posées au total , pour à peu près 700 m2 de toiture par phase de chantier

Ouvrages spécifiques

Outre aux alignements d’ardoises des versants, les couvreurs se sont heurtés à des tâches fort complexes. Parmi elles, la réalisation d’une abside en écailles. « La pose des ardoises a été effectuée sans déchange, en jouant avec leur rétrécissement. » Les ardoises sont accompagnées d’un membron en plomb et d’un chéneau cintré, ainsi que d’un devant de socle et d’une main courante également cintrés. Le faîtage cinq pièces présente quant à lui une forme arrondie et sera réalisé en plomb avant d’accueillir une pointe de paratonnerre. À côté des ardoises, le plomb est l’élément de couverture le plus présent. Du plomb laminé de 3,5 mm d’épaisseur avec ourlet est notamment utilisé pour réaliser les chemins de marche présents sur chaque versant, et se retrouve également pour le dessus des trois lucarnes, pour les chéneaux, les terrassons ou encore pour l’habillage des poteaux de lucarne. Absentes du bâtiment jusqu’alors, des boîtes à eau seront ajoutées. La vaste verrière à cheval sur les deux versants sera traitée indépendamment, mais « ses côtés seront recouverts de bardage cuivre naturel de 8/10e d’épaisseur, posé par agrafage par joint plat avec différentes largeurs pour l’esthétique ». Enfin, 30 passe-cordes seront installés pour la ventilation. Un chantier d’envergure donc pour cet édifice symbolique du patrimoine parisien, qui bénéficie enfin
de la rénovation due à son importance.

Un peu d’Histoire…

L’église Saint-Philippe-du-Roule est le fruit de la volonté de Louis XV de bâtir un sanctuaire cultuel au faubourg du Roule, village intégré à Paris en 1722. L’architecte Jean-François Chalgrin fut chargé de sa construction, entre 1774 et 1784. Deux clochers prévus au niveau des chapelles latérales n’ont jamais été bâtis faute de financement. Fermé à la Révolution, l’édifice est rendu au culte dès 1795, et redevient paroisse en 1802. Pour répondre à l’accroissement de la population, l’église a été agrandie en 1845 par l’architecte Étienne-Hippolyte Godde, puis en 1853 par Victor Baltard.

Brice-Alexandre Roboam

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