Les couvreurs parisiens (enfin) à l’Unesco?

Après une première tentative ratée, il y a deux ans, pour inscrire leurs savoir-faire au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, les couvreurs et ornemanistes parisiens retentent leur chance en 2021. En espérant ne pas devoir attendre deux années supplémentaires. Explications.

Cette fois c’est la bonne ? Après un premier espoir déçu en 2019, les couvreurs parisiens vont-ils enfin voir leur inscription au patrimoine mondial de l’Unesco aboutir ? Ce projet de longue haleine refait surface deux ans après une première tentative « infructueuse ». L’histoire débute en 2011, lorsque le président de la commission couverture du syndicat des entreprises franciliennes de Génie climatique et couverture-plomberie (GCCP) de l’époque, Hubert Dumont, fait réaliser un ouvrage intitulé Les Toits de Paris ou l’art des couvreurs remettant sur le devant de la scène un métier quelque peu délaissé quoique primordial et mondialement reconnu. Trois ans plus tard, en 2014, la maire du IXe arrondissement de Paris, Delphine Bürkli, accélère la dynamique en initiant l’idée d’une candidature des toits parisiens au patrimoine mondial de l’Unesco, avec le soutien du Conseil de Paris et, évidemment, celui du GCCP et des nombreux industriels qu’il représente (voir encadré p. 20). Mais ce projet, pour le moins bien défini, a dû faire face à de nombreux rebondissements, entre cadre normatif et décisions politiques. Accrochez-vous.

Patrimoine immatériel, kézako ?

Selon l’article 2 de la Convention de 2003, le patrimoine culturel immatériel de l’Unesco désigne « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine. […] Il se manifeste notamment dans les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ; les arts du spectacle ; les pratiques sociales, rituels et événements festifs ; les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ; les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel ».

Une question de sémantique

Comme évoqué, la candidature initiale concernait exclusivement les toits parisiens – pas les couvreurs. Elle se tournait en outre vers le patrimoine mondial de l’Unesco, selon la Convention de 1972. Mais d’obscurs problèmes de critères ont poussé nos ambitieux protagonistes à revoir leur copie. Nouvelle cible dès lors: l’inscription au patrimoine culturel immatériel de ce même Unesco, selon la Convention de 2003. Or qui dit changement de patrimoine, dit changement de dénomination. Loin d’être une candidature de secours, le patrimoine immatériel implique néanmoins un périmètre différent du « simple » bien matériel ou monument (voir encadré ci-contre). D’où la décision finalement logique d’inclure les savoir-faire des couvreurs – et des ornemanistes – dans la candidature.

Une victoire à portée de main

L’étape suivante se situe quelques années plus tard, le 27 juin 2017 très précisément, lorsque les « savoir-faire des couvreurs-zingueurs parisiens et des ornemanistes » sont inclus dans l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel par le ministère de la Culture. De ce nouveau palier découle l’avis favorable rendu par ce même ministère en octobre 2018 validant la candidature officielle au patrimoine immatériel de l’Unesco. Une étape primordiale car, grâce à cet avis favorable du gouvernement, la candidature est certaine d’aboutir… un jour ou l’autre !

Quand la politique s’en mêle

Et c’est là qu’après d’harassantes et rébarbatives contraintes administratives – et lexicales –, intervient l’enjeu politique. Car si l’aval du ministère garantit la reconnaissance future, la date de son inscription à proprement parler demeure incertaine. En effet, un unique dossier peut être soumis à l’Unesco par la France, et ce, tous les deux ans seulement… et les candidatures sont évidemment légion. Lors de la dernière session, en 2019 (pour une inscription en 2020), les couvreurs parisiens se sont retrouvés dans ce que l’on pourrait appeler un « trio final » hétéroclite, aux côtés des fêtes de l’Ours en Vallespir (Pyrénées-Orientales) et de la yole ronde de Martinique. Mais c’est bien cette dernière qui a finalement été choisie pour représenter la France, et par là même pour l’inscription officielle. Repoussant automatiquement celle de nos couvreurs (et, de fait, celle des fêtes de l’Ours!) de deux années supplémentaires… au minimum, car rien n’empêche le procédé de se répéter. Une décision qui, à l’époque, n’aura sûrement pas surpris Olivier Boileau Descamps, secrétaire général du comité de soutien pour l’inscription des couvreurs. Celui-ci avait déclaré dans nos pages, peu avant le communiqué d’officialisation pour la yole martiniquaise, et avec un pointe de regret par anticipation, que « le choix du candidat proposé par la France [est] politique en fonction de la conjoncture du moment » (voir Toiture Magazine n° 16). Espérons donc que 2021 soit plus propice à mettre en valeur ce savoir-faire séculaire. L’arbitrage de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot pour cette campagne 2021 est attendu pour la fin du mois de mars. L’inscription officielle sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco se fera à la fin de l’année 2022.

 

«Le “geste du couvreur” est la signature de toute une filière d’entreprises locales qui offrent des emplois sur les territoires et qui participent au lien social dans notre pays. Nos métiers contribuent à attirer les millions de touristes qui viennent pour admirer notre patrimoine. Mais ces précieux savoir-faire sont menacés si l’on ne se donne pas les moyens de valoriser l’image du travail manuel. Les savoir-faire des couvreurs doivent être sauvegardés de manière forte et urgente. Dans le bâtiment, nous ne cédons jamais au découragement. La vie des chantiers nous a appris qu’il y a toujours une solution. Cette année 2020-2021, nous présentons, une nouvelle fois, notre candidature à l’Unesco. Plus que jamais, nous sommes convaincus de son bien-fondé et de sa légitimité, aussi bien pour la qualité des savoir-faire qu’elle porte, que pour les enjeux sociaux, patrimoniaux et environnementaux qu’elle défend.»

Plaidoyer officiel d’Édouard Bastien, président du GCCP

Les acteurs : 
Le porteur du projet: le GCCP, syndicat des entreprises franciliennes de génie climatique et de couverture-plomberie.
Les partenaires institutionnels: le BTP CFA d’Ocquerre (77), la Capeb, le CFA de couverture-plomberie Maximilien-Perret d’Alfortville (94), la FFB, les Compagnons du devoir et du tour de France, les Compagnons du tour de France des devoirs unis, la Fédération compagnonnique du tour de France, la société Mirandole, conseil en stratégie, la Ville de Paris et les 20 mairies d’arrondissement.
Les entreprises partenaires: Actis, Asturienne, Cupa Pizarras, Fondeur, Isover, Job Protect, Point.P, Saint-Gobain, Velux, VMZinc.

Brice-Alexandre Roboam

Articles Similaires

Partager l'article

spot_img

Derniers articles