Fabrication : Un anniversaire béton pour Monier

RACHETÉ PAR LE GROUPE BMI EN 2017, LE FABRICANT DE TUILES MONIER FÊTE LES QUARANTE ANS DE SON USINE DE VERBERIE, DÉDIÉE À LA TUILE BÉTON. L’OCCASION DE FAIRE LE POINT SUR CE MARCHÉ PARTICULIER TOUT EN VISITANT LE SITE PRODUCTION.

Il y a quarante ans, Apocalypse Now et Les Bronzés font du ski remplissent les salles obscures tandis que le premier restaurant McDonald’s ouvre ses portes en France. Il y a quarante ans, l’affaire des diamants de Bokassa sonne le glas des espoirs de réélection du président Valéry Giscard d’Estaing, et le paquebot France quitte définitivement le port du Havre sous son nouveau nom, Norway. Il y a quarante ans, JacquesMesrine est mis hors d’état de nuire, et le monde est confronté à sa deuxième crise pétrolière… Un temps que les moins de (deux fois !) vingt ans ne peuvent pas connaître. Enfin, il y a quarante ans, l’usine de tuiles béton Redland ouvre ses portes dans l’Oise à Longueil-Sainte-Marie (l’usine prendra pourtant le nom de la localité voisine Verberie, plus grande), à mi-chemin entre Creil et Compiègne. De 1979 à 2019, elle est passée entre différentes mains, de Redland à Monier en passant par Coverland et Lafarge… sans jamais changer de type de production : la tuile béton. Pour son quarantenaire, elle bat désormais pavillon américain : le tout jeune groupe BMI a en effet été créé par le géant d’outre-Atlantique Standard Industry pour y réunir toutes les activités de couverture récemment rachetées (Brass, Monier, Icopal/Siplast…).

 

Après application d’un slurry, ces tuiles sont recouvertes d’un vernis rose qui deviendra transparent au terme de l’étuvage.

 

Un groupe sous pavillon américain

BMI, c’est actuellement 11 000 collaborateurs et 120 usines de par le monde (75 pour la tuile béton), avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros, dont environ 15 % en France. La filiale française, désormais propriétaire du site de Verberie donc, fabrique dans l’Hexagone 99 % de ce qu’elle vend. BMI France emploie un peu plus d’un millier de personnes dans dix usines, dont trois pour le béton et… quatre pour la terre cuite. Pourquoi autant de place pour la terre cuite chez un spécialiste de la tuile béton ? Pour une raison toute simple : la tradition du marché français, qui confère plus de noblesse à l’argile. « La tuile béton est largement sous-estimée en France, déplore Laurent Fischer, directeur général de BMI France, en raison de la très mauvaise image du béton. Pourtant, ce matériau n’est pas moins naturel que l’argile, et sa fabrication est moins impactante pour l’environnement. » Face à nos voisins européens, notre pays fait figure d’exception : en Allemagne comme en Grande-Bretagne, la tuile béton domine largement le marché de la tuile de couverture. Elle est également majoritaire en Italie. En France, elle représente… à peine 10 % du marché ! Un gros retard donc, que les dirigeants s’échinent à rattraper petit à petit, en redorant l’image de leur produit et en misant principalement sur le marché de la rénovation. Dans cette optique, ils ont redessiné leur organisation commerciale. Désormais, les commerciaux ne sont plus répartispar marque, mais par pôle : toit plat (intégrant les produits Siplast ou Monarflex par exemple) ou toit en pente (pour les produits Monier, Polytuil ou Cobert). La force de vente est chargée d’interpeller à la fois les négoces et la GSB, pour préparer la mutation du monde de la distribution. « Les négoces veulent toucher les particuliers tandis que la GSB souhaite de plus en plus attirer les professionnels, illustre Laurent Fischer. Et même si l’activité demeure encore à 95 % en négoce à l’heure actuelle, le vent semble en train de tourner. »

La tuile béton est largement sous-estimée en France

 

Deux offres en une

Fêter les quarante ans de l’intégralité du site est en fait légèrement exagéré. Recontextualisons les faits et dates exacts : le site isarien de six hectares compte deux usines, Verberie 1 et Verberie 2. Et si la première a bien été inaugurée en 1979, la seconde n’a vu le jour qu’un an plus tard. Aujourd’hui, le site compte quatre lignes de production, dont deux à haute cadence, pour 64 collaborateurs et un million de m2 de tuiles béton fabriquées chaque année, soit 40 camions chargés quotidiennement. Chaque usine est dédiée à la production d’un certain type de tuile : Verberie 1 fabrique les tuiles de petites dimensions, dites « 64 au m2 » ; Verberie 2 se concentre sur les grands formats, dits « 10 au m2 ». Ce sont d’ailleurs ces derniers, à pureau plat, qui dominent très largement le (petit) marché de la tuile béton, représentant 80 % des ventes de BMI Monier. Deux revêtements différents sont proposés. Le premier, Novo, offre un coloris uni avec du béton teinté dans la masse et deux couches de peinture, avant et après étuvage. Le second, Évolution, se compose de teintes nuancées réalisées via l’application d’un slurry, une sorte de coulis de béton très liquide rajouté sur la tuile. En termes de coloris, une large palette est bien évidemment disponible, quoique les époques restent marquées par des tendances : « Pendant plusieurs années, les teintes ardoisées étaient très demandées par les architectes, se remémore Christophe Bertrand, directeur des ventes affaires et prescriptions, mais aujourd’hui la mode s’oriente vers un coloris flammé. » Surtout, le fabricant se veut force de proposition et, bien sûr, d’innovation : « Il nous faut de huit à dix mois de recherche pour créer et valider un nouveau coloris, dévoile-t-il. Nous espérons pouvoir proposer très prochainement une toute nouvelle tuile ”métallisée”, dotée d’une peinture composée de paillettes de métal pour un rendu très moderne. » Le coloris sur mesure est même envisageable, dès lors que la production est suffisante (10 000 m2 minimum).

 

Il nous faudrait de huit à dix mois de recherche pour créer et valider un nouveau coloris

Le site dispose de quatre lignes de production, dont deux à haute cadence.

 

80 % de sable, livré par bateau
Les ingrédients sont différents, mais le procédé de fabrication des tuiles béton est similaire à celui des tuiles en terre cuite – la rapidité en plus du fait de l’absence de cuisson du béton. Ce dernier est composé à quasiment 80 % de sable. Provenant de Rouen, 1 500 tonnes en sont livrées chaque semaine sur le site – par bateau, grâce à la proximité de l’Oise, affluent de la Seine. « Le sable nous arrive déjà mélangé, avec la granulométrie souhaitée, détaille Gautier Leclercq, directeur du site. Le diamètre des grains s’échelonne de 0 (à l’état de poussière) à 3,15 mm, pour un mélange calculé : s’il est trop fin, la tuile risque d’être trop fragile ; à l’inverse, si les gros grains prédominent, c’est le côté esthétique qui en pâtira. Il faut trouver le bon compromis entre finesse
et résistance. » Chaque usine dispose d’un malaxeur, sorte de grosse bétonnière horizontale où sont mélangés pendant trois à quatre minutes 1,4 tonne de sable, 400 kg de ciment et des pigments liquides, avec un taux d’humidité constant de 8 % pour une bonne homogénéité du béton. Le mélange évolue évidemment en fonction du produit final souhaité ; mais une fois le malaxeur lancé, la même production se déroule toute la journée (huit heures en continu).

1 500 tonnes de sable sont livrées chaque semaine par voie fluviale.

 

La cadence de découpe est de 120 coups à la minute.

 

Les tuiles sont moulées en sous-face et extrudées en surface.

 

Des moules à ne pas manquer
Une fois mélangée, la matière – qui est désormais du béton – passe par un banc d’extrusion selon la méthode dite du roller and slipper. « Un arbre à doigts envoie le béton vers le roller qui se charge de donner la première compaction de la tuile ainsi que sa première épaisseur, développe le dirigeant. Le slipper vient terminer la compaction de la tuile désormais formée tout en lui donnant son épaisseur finale, en l’appliquant sur un moule. » En aluminium et résistants à l’abrasion, les moules sont recouverts au préalable d’une huile de démoulage à base de colza. Après la découpe, les tuiles sont définitivement formées, moulées en sous-face et extrudéesen surface. La cadence s’élève à 120 coups à la minute, soit 240 tuiles de petit format ou 120 de grand format selon la ligne de production. Les tuiles béton de petit format présentent une particularité : un rayon de courbage qui est donné à la forme des tuiles grâce à une roue semi-enterrée de 3,40 m
de diamètre. De même, les modèles dotés d’un slurry se voient ajouter un vernis spécifique, destiné à éviter l’efflorescence une fois sur le toit. De couleur rose – de façon à pouvoir facilement vérifier sa bonne application –, le vernis devient transparent après l’étuvage.

 

Un million de m2 de tuiles béton sont fabriquées chaque année, soit 40 camions chargés par jour.

 

Étuvé, mais pas cuit
Les tuiles, sur leur moule individuel, sont ensuite convoyées vers de vastes étagères destinées aux étuves. Le site dispose d’un total de treize étuves d’une capacité de 3 780 tuiles chacune. Les produits y séjourneront pendant huit heures (au minimum), plongés dans une température oscillant entre 55 et 60 degrés. Les étuves sont chauffées à l’eau chaude fournie par une chaudière au gaz. Pour la bonne prise du béton, il est capital que l’humidité à l’intérieur des étuves soit la plus élevée possible. Sinon, il risque de se fissurer. Et c’est alors qu’apparaît LA grande différence avec les cousines en terre cuite : car là où l’argile a besoin d’un long temps de cuisson, le béton, une fois étuvé, est quasi prêt à l’emploi. Ainsi, passé les huit heures, les tuiles retrouvent la ligne automatique et sont séparées de leur moule par un échangeur. Les moules libérés retournent vers la ligne de production, tandis que les tuiles béton se dirigent soit vers l’éventuelle seconde couche de peinture nécessaire aux teintes unies, soit directement vers le conditionnement (45 palettes par heure environ) – non sans passer bien sûr par l’étape du contrôle qualité. Un opérateur vérifie visuellement les tuiles convoyées sur tapis roulant, tandis qu’un contrôle plus poussé est régulièrement effectué selon les séries : « Mesure de la résistance, de la perméabilité et de l’étanchéité, longueur sous tenon, queue de carpe, emboîtement, poids… rien n’est laissé au hasard », liste Carlos Evaristo, responsable qualité, sécurité et environnement du site. Les chutes et rebuts sont réinjectés dans la production ou récupérés par Lafarge pour être recyclés, dans la fabrication de routes par exemple. Un processus qui fonctionne depuis quarante ans, et qui n’attend qu’une chose : que le béton dépasse cette image péjorative qui le caractérise depuis si longtemps sur le sol français.

 

Brice-Alexandre Roboam

Crédit photo : Toiture magazine

 

 

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